Le festival de théâtre de rue d’Aurillac

16 août 2015
Après Hong Kong et le Portugal, je vous emmène… en France ! On l’oublie parfois, mais la France accueille chaque année, en toute saison, des millions de touristes. Ce n’est pas un hasard. Au risque d’être un peu chauvin : nous avons un pays magnifique ! Je viens de passer deux ans dans le Cantal et la Corrèze. Le centre de la France n’attire pas les foules, c’est vrai. D’ailleurs, j’y étais pour des raisons professionnelles. C’est dommage : la nature est belle et la vie est douce, dans le Massif Central.

Cette introduction pour vous dire que pendant quelques semaines, je vais vous présenter de jolis coins de France. Je commence par un évènement qui me tient énormément à cœur. Si vous ne savez pas quoi faire la semaine prochaine, passez par Aurillac, vous ne le regretterez pas : le festival de Théâtre de rue fête son 30e anniversaire !

Le Festival d’Aurillac, ce sont des centaines de passionnés, des comédiens, des troupes de théâtre, amateurs ou professionnels. C’est le IN, la programmation officielle, des spectacles à couper le souffle, des créations artistiques qui mobilisent des dizaines de figurants et qui ont demandé des mois d’écriture et de mise en scène. C’est aussi le OFF, les compagnies de passages, qui s’installent sur un trottoir et qui vous emmènent en voyage.

Pendant quelques jours, la ville change de visage. Quelques Aurillacois préfèrent déserter, trop de bruit; trop de monde, trop d’animations. Beaucoup restent et se régalent de voir leur ville se métamorphoser. Des spectateurs arrivent de toute la France et même d’Europe.

A fleur de peau - Groupe F

À couper le souffle, par exemple, la performance « À fleur de peau » du Groupe F

Pour vous convaincre de venir à Aurillac à partir de mardi prochain, je partage avec vous deux coups de cœur et un coup de poing qui datent de l’an dernier. L’un visuel, les autres audio.

Les fils des hommes

Cette performance m’a bouleversé. François Rascalou, danseur et chorégraphe, se penche sur son identité de « fils de ». Fils d’Algérien, fils de Harkis, fils de Français. Comment dit-on la mémoire quand on veut tout oublier ? Comment parler quand on n’a pas vécu et que les pères et les oncles se taisent ?

On nous donne rendez-vous devant l’Église, à La Roquebrou, un village à côté d’Aurillac. L’heure avance, de plus en plus de spectateurs sont là. Finalement, un homme avec un t-shirt jaune arrive. Il porte une grosse boite rouge. Il la jette, la pousse, grimpe dessus, la colle contre les murs, dans tous les interstices comme s’il essayait de lui trouver une place. Il avance dans les rues et nous suivons. Au début, le ramdam fait rire les gens. Arrive François Rascalou. Il raconte et il donne sa voix aux « fils de ». À la fin de la performance, les gorges sont serrées. J’ai vu un homme laisser échapper des sanglots, tant les mots sont justes.

Les fils des hommes, de la Compagnie Action d’Espace

Doctor Dapertutto

Autant Les fils des hommes est une performance intime et minimaliste, autant Doctor Dapertutto nous en a mis plein la vue ! Des dizaines de figurants, dont la plupart étaient d’ailleurs des habitants d’Aurillac, ont participé.

La compagnie Teotro del Silencio vous propose une plongée dans les pires heures de l’histoire russe. C’est un voyage dans l’univers de Vsevolod Meyerhold, immense metteur en scène russe du XXe, dont le travail a redéfini les frontières du théâtre européen. C’est l’histoire d’un homme, un artiste, libre, emprisonné et assassiné et c’est l’Histoire de notre continent, celle des goulags, de la révolte et de l’asservissement des Hommes.

Teatro del Silencio Doctor Dapertutto

Première partie du spectacle : la déambulation. Dans les rues d’Aurillac, des grandes cages, une musique tantôt lancinante, tantôt militaire, des sirènes assommantes, des gardiens qui hurlent des ordres et qui remettent les prisonniers à leur place. Malgré le soleil du mois d’août, les canons à mousse créent l’illusion du froid polaire de la Sibérie.

Deuxième partie, la représentation. Du théâtre, du cirque. Une heure intense, parfois difficile d’accès. Certains spectateurs ne restent pas jusqu’au bout, il n’est pas évident d’entrer dans l’histoire et de s’approprier le destin de cet homme. Mais Doctor Dapertutto reste l’une des plus belles créations du festival 2014.

 

Hagati Yacu

Hagati Yacu, c’est le coup de poing. La baffe. La gifle. Je pourrais trouver d’autres termes convenus, ceux qu’on écrit quand on essaie d’expliquer à quel point on est retourné, transformé. En réécoutant les sons que j’ai enregistré pendant le spectacle, même si c’était il y a un an, j’en ai encore des frissons.

Hagati Yacu signifie « Entre nous » en kinyarwanda. La Compagnie Uz et Coutumes propose trois actes. Alors que pendant le festival, on court d’un spectacle à un autre, Hagati Yacu nous oblige à nous poser une journée entière. Premier acte le matin, second à midi, dernier en fin d’après-midi. Entre chaque acte, une heure ou deux pour digérer ce que l’on vient de voir.

Hagati Yacu, c’est l’histoire du génocide des Tutsi du Rwanda. Episode 1 : un quartier, la fuite des habitants. L’Avant. Épisode 2 : une barrière, la violence, les massacres. Le pendant. Épisode 3 : le refuge, les questions. L’après.

J’ai pris du son pendant le spectacle et ensuite j’ai discuté avec Adélaïde Mukantabana, rescapée et présidente de l’association Cauri et avec Dalila Boitaud, la metteuse en scène. J’ai essayé de rendre cette ambiance un peu surréaliste.

Le Festival de Théâtre de rue d’Aurillac est magique. Les trois spectacles dont j’ai parlés peuvent sembler lourds et déprimants, pourtant le festival est avant tout un moment de joie et d’amusement ! Ces trois représentations m’ont marqué plus que les autres, mais j’ai passé cinq jours avec un sourire de gamine accroché aux lèvres ! Je suis réellement tombée amoureuse d’Aurillac pendant le festival. Tout le monde est plus détendu, plus rieur, plus ouvert. On s’interpelle comme si on se connaissait depuis des années. On se laisse bercer par une musique ou on passe sa soirée à refaire le monde avec de parfaits inconnus. Et si jamais la foule finit par vous étouffer, échappez-vous dans la campagne cantalienne. Vous pouvez même poussez jusqu’au Puy Mary et aux hauteurs du Massif Central. Vous pouvez prendre un grand bol d’air frais au Lioran, la station de ski cantalienne, tout aussi agréable l’été. Bref, je vous le promets : cette semaine, Aurillac, c’est the place to be !

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2 Comments

  • Reply LadyMilonguera 17 août 2015 at 14:31

    Ce doit être un chouette événement auquel assister…

    • Reply Lisa 22 août 2015 at 22:53

      C’est absolument génial ! D’ailleurs, j’étais en plein dedans, la trentième édition vient de se finir, c’est pour ça que j’ai mis du temps à répondre à ton commentaire, désolée ! Mais ça vaut vraiment le coup, si tu as l’opportunité d’y aller un jour.

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