Où est Ai Weiwei ?

1 février 2015
Ai weiwei

Quel est l’intérêt de suivre l’actualité quand on vit à l’autre bout de la planète ? Personnellement, je suis un peu obligée : une journaliste qui ne s’intéresse pas à ce qui se passe, sur place mais aussi en France, se tire une balle dans le pied. Mais souvent, sur les blogs, je vois des articles du type « loin des yeux, loin du cœur : déconnectez » ou « désintoxiquez-vous de l’info »… Je ne suis pas d’accord avec cette philosophie. Je suis arrivée à cette conclusion lors de la disparition de l’artiste Ai Weiwei, en 2011.

À une exception près : si vous êtes en vacance, profitez ! Ordinateur, tablette, smartphone… off ! Quand je ne travaille pas, je garde un oeil distrait sur l’info, pour ne pas passer à côté d’un évènement très important, mais je me déconnecte autant que possible. Le monde ne s’arrête pas de tourner si l’on met google news en pause. Par contre, si l’on est à l’étranger pour travailler, il y a au moins deux intérêts à rester un minimum connecté.

Les joies de l’actualité…

Le premier, c’est pour ne pas se trouver en décalage complet avec la France (sauf si le but est précisément de couper les ponts). Ma petite sœur m’a parlé d’une bloggueuse mode qu’elle suit sur Twitter, une femme qui voyage aux quatre coins de la planète. Le weekend du 10-11 janvier, alors que quatre millions de Français sont dans les rues pour manifester leur soutient aux victimes des attentats parisiens, elle se trouve à Los Angeles. Comme à son habitude, elle twitte des images de son luxueux train de vie… La photo de son nouveau bikini au bord d’une piscine de rêve contrastait de manière choquante avec les « je suis Charlie » qui submergeaient les réseaux sociaux.

Le second intérêt, sans doute, vise plutôt ceux qui sont dans les médias : faire le lien entre l’actu locale et l’actu française. D’un point de vue de journaliste, Hong Kong a un gros défaut : peu d’actualité locale intéresse les médias français et francophone. Quand j’étais sur place, j’ai rencontré le correspondant de l’AFP (mais il y a un correspondant partout, c’est le principe de l’AFP) et la correspondante du Monde. C’est tout. Je n’ai rencontré quasiment aucun pigiste qui pouvait survivre financièrement à Hong Kong en écrivant seulement dans la presse francophone.

Qui a peur d’Ai Weiwei ?

Bien sûr, il y a toujours des exceptions. Pendant plusieurs mois, l’an dernier, tous les yeux était tourné vers la révolte des Hongkongais contre la mainmise chinoise sur le pouvoir local. J’ai regretté de ne pas êtres à Hong Kong à ce moment-là. Lorsque j’y ai vécu, il y a quand même eu un évènement qui a intéressé plusieurs journaux français : la disparition d’Ai Weiwei.

Ai Weiwei est un artiste chinois, l’un des opposants au régime de Pékin les plus connu dans le monde. Au moment où je me trouvais à Hong Kong, il avait disparu depuis deux mois. « Disparu », comprenez que le pouvoir chinois souhaitait qu’on l’entende le moins possible, au cours de ces mois sensibles précédant le changement de pouvoir (nous sommes en avril 2011, Xi Jinping n’a pas encore remplacé Hu Jintao à la présidence chinoise).

En savoir plus : il y a le blog et l’instagram d’Ai Weiwei, et aussi ce portrait du Monde

L’évènement a mobilisé tous les artistes hongkongais. Ils ont lancé une campagne « Qui a peur d’Ai Weiwei » et des portraits du visage barbu fleurissaient un peu partout dans la ville. En rétrospective, beaucoup de questions qui ont été soulevées à ce moment-là ont un rapport avec les manifestations de 2014. La communauté artistique s’est inquiétée de la réaction des autorités à cette campagne de graffiti. Tangerine, la jeune artiste l’ayant débuté, a fait l’objet d’une enquête par les services de police criminelle. La plupart des dessins qui déplaisaient au régime de Pékin ont été effacés en quelques heures, là où il faut généralement plusieurs mois pour que les tag soient nettoyés.

Les artistes hongkongais ont lancé une bouteille à la mer : « attention, nos libertés sont menacées, notre liberté d’expression est attaquée ». Deux ans et demi plus tard, le malaise s’est transformé en abcès, finalement crevé lorsque des milliers d’Hongkongais ont protesté contre un gouvernement local qu’ils estiment soumis à Pékin.

Je trouve assez dommage de passer à côté de tels évènements. Vivre à l’étranger, c’est aussi essayer de s’immerger dans la vie locale. S’intégrer, dans une certaine mesure. Ignorer totalement cet élan qui a pris Hong Kong en 2011, comme celui qui a étreint la ville en 2014, il me semble que c’est rester un touriste.

Ai Weiwei fait aussi de la musique, disponible sur son compte soundcloud

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